Réseau de recherche sur les politiques sociales du Nouveau-Brunswick

Roxanne Reeves


RReaves1) Quel poste occupez-vous présentement et quel est votre titre officiel?

Consultante, conférencière professionnelle, auteure, chercheure, chargée de cours. Toutes ces tâches requièrent du café.

2) Quelle formation avez-vous reçue?

Je viens d’obtenir mon doctorat. Je suis ancienne boursière du Groupe de recherche en histoire du travail au Nouveau-Brunswick (LHTNB) et récipiendaire d’une bourse doctorale de MITACS. Mes travaux universitaires peuvent être lus dans l’ouvrage Uncovering the Hidden Cultural Dynamics in Mentoring Programs and Relationships et dans l’International Journal of Coaching and Mentoring, par exemple. J’ai collaboré à la prochaine édition du Handbook of Mentoring, de SAGE Publications, et je suis lectrice critique pour l’International Journal of Evidence Based Coaching and Mentoring. J’ai aussi rédigé une série d’articles sur une période d’un an portant sur le mentorat en milieu de travail. Ils sont en train d’être publiés dans la revue Progress.

Le mentorat me passionne. Je prends plaisir à diffuser mes travaux et j’ai plusieurs affiliations professionnelles. J’ai publié mes travaux, j’ai présenté des exposés à diverses conférences et je prends la parole sur les scènes provinciale, nationale et internationale.

J’attribue ces réussites à mon alma mater, l’UNB, et à mes nombreux merveilleux professeurs qui m’ont guidé tout au long de mon parcours. J’aimerais en particulier remercier deux femmes qui ont été d’excellentes mentors pour moi : Linda Kealey, Ph. D., et Patty Peterson, Ph. D.

3) Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel. D’où vient votre passion pour la recherche ou le travail que vous faites et comment s’est-elle développée?

Après avoir terminé mes études secondaires, je suis partie vivre à l’étranger pendant dix ans. J’ai vécu en Colombie, en Italie et au Japon. L’orientation de ma recherche découle de mes expériences à l’étranger et est attribuable en particulier à mon mandat de présidente de l’association interculturelle, à Nagoya, au Japon. Je fournissais un soutien à l’établissement et à l’intégration de diplomates, de cadres expatriés et de gens d’affaires.

Bien que mon nom soit maintenant suivi du titre Ph. D., l’apprentissage par mentorat, l’apprentissage expérientiel concret et l’établissement de liens ont été pour moi tout aussi utiles que l’apprentissage en salle de classe et parfois plus. Les salles de classe et les livres n’ont jamais été mon point fort. J’ai connu plusieurs échecs pendant mes études postsecondaires — cela inflige des blessures à l’âme. J’ai finalement reçu un diagnostic de troubles d’apprentissage au début de la trentaine.

Cela a changé le cours de ma vie! Je dois dire que presque toutes mes réussites qui méritent d’être célébrées sont des victoires que j’ai durement remportées grâce au soutien de mes mentors. J’ai de nombreuses histoires à raconter en ce qui concerne mon mentorat personnel. Je suis émerveillée de la façon dont mes mentors ont haussé la barre pour moi, m’ont montré la voie, m’ont poussé au-delà de mes limites personnelles, m’ont encouragé à élargir ma réflexion et ont cru en moi — ils ont vu en moi ce que j’étais incapable de voir.

4) Parlez-nous d’un ou deux de vos projets actuels?

Comme consultante, je travaille actuellement avec des cadres et des gestionnaires qui ont de la difficulté à recruter, à former et à conserver des employés. Je leur fournis des outils pour les aider à conserver, à embaucher et à gérer les employés de la génération Y.

Ils cherchent tous à créer un milieu de travail multigénérationnel qui valorise l’apprentissage et qui est productif, efficace et harmonieux. De nombreux gestionnaires et dirigeants cherchent surtout à savoir ce qui peut être fait pour encourager les employés de différentes générations à transmettre leurs connaissances pour que leur organisation puisse croître et conserver les connaissances et la sagesse institutionnelles.

J’ai l’intention de poursuivre mes recherches sur le mentorat d’employés à potentiel élevé dans le secteur des entreprises et sur le mentorat d’entrepreneurs, plus particulièrement les nouveaux entrepreneurs immigrants, mais j’ai l’intention de mettre au tout premier rang mon intérêt pour le mentorat des femmes dirigeantes.

5) Comment vos recherches ou votre travail peuvent-ils contribuer, selon vous, à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes?

Les résultats de mes recherches guideront les responsables des politiques qui souhaitent utiliser le mentorat comme mécanisme de développement économique. Le mentorat interculturel, par exemple, et d’autres approches en matière d’éducation pour les populations immigrantes ont de plus en plus une importance cruciale. La question est toutefois particulièrement urgente lorsque les nouveaux entrepreneurs immigrants sont inclus. Selon une étude réalisée par le Conference Board du Canada en 2010, le Canada pourrait laisser échapper les occasions de croissance économique fournies par les nouveaux arrivants. Les immigrants pourraient ranimer la mauvaise performance du Canada en matière d’innovation, augmenter la croissance des emplois, étendre les relations commerciales du Canada, faire croître la valeur des exportations, hausser le nombre de brevets d’invention et stimuler les investissements étrangers directs. Toutefois, selon le rapport, un nombre trop élevé d’immigrants font face à des obstacles onéreux et non nécessaires qui limitent leurs chances de participer pleinement à l’économie. Le potentiel inexploité de l’entrepreneuriat des immigrants est donc considérable.

6) Décrivez-nous certaines de vos réalisations passées qui ont été importantes dans votre cheminement professionnel.

Tous les deux ans, l’International Mentoring Association (IMA) reconnaît les recherches remarquables dans le domaine du mentorat. Le prix prééminent de l’association, l’IMA Hope Richardson Dissertation Award, souligne les contributions innovatrices et exceptionnelles. Le prix est remis dans le but de favoriser et de diffuser les recherches sur la pratique applicable à l’apprentissage et au rendement en milieu de travail.

Les recherches que j’ai entreprises ici, à l’Université du Nouveau-Brunswick, ont été nominées pour le prix de 2014-2016. Le président de l’IMA m’a appelée il y a quelques mois pour m’annoncer que j’avais remporté le prix. C’était tout un honneur pour moi d’accepter le prix, de prendre la parole au banquet et de présenter mes recherches à la conférence. Je suis revenue il y a seulement deux ou trois semaines, donc je suis encore un peu euphorique.

En bref, les résultats de mes travaux aideront les entreprises à répondre à leurs besoins futurs de main-d’œuvre en facilitant leurs efforts pour trouver, former et conserver les meilleurs employés possible. Ils pourront également être utilisés par les organisations qui s’efforcent de mettre à contribution des effectifs productifs, non âgistes, diversifiés et multigénérationnels qui collaborent, innovent et prospèrent.

Ma recherche doctorale a été présentée sous forme de thèse par articles. Elle comprend l’introduction, la revue de la littérature et le chapitre de conclusion requis, de même que les trois manuscrits autonomes.

Manuscrit no 1 – Article de revue : « What is Cross-Cultural Mentoring?  An integrative Literature Review and Discussion of the Term Cross-Cultural Mentoring »

  • Examen des descriptions des processus du mentorat interculturel commun auprès de 123 sources
  • Délimitation de quatre types de recherches sur le mentorat interculturel (recherches nationales, recherches transculturelles, recherches mondiales et recherches sur les nouveaux arrivants)
  • Critique de l’état de la littérature sur le mentorat interculturel commun
  • Suggestion pour donner une orientation concrète aux futurs travaux empiriques et théoriques

Manuscrit no 2 – Chapitre de livre : « What Competencies are Necessary in Navigating Cross-Cultural Mentoring Relationships for Immigrant Entrepreneurs? Five Things Skilled Mentors Think, Say, and Do », dans F. Kochan et A. Green (éd.) (sous presse), Uncovering the Hidden Cultural Dynamics in Mentoring.

  • Entrevues menées auprès de nouveaux entrepreneurs immigrants pour décrire les habiletés ou les compétences considérées comme favorables à la pratique du mentorat interculturel commun
  • Développement de cinq thèmes, accompagnés de lignes directrices pour améliorer la pratique

Manuscrit no 3 – Document d’entreprise commandé : « Corporate Mentorship Programming: Promising Programme Practices for “Fast-Tracking” High Potential Employees »

  • Évaluation de six programmes de mentorat d’entreprise, y compris leurs processus
  • Collecte de données qualitatives et quantitatives et analyse de documents
  • Définition de trente-cinq constatations sommaires et élaboration de lignes directrices pour améliorer la pratique

7) Décrivez en quelques phrases comment vous avez participé aux activités du RRPSNB et comment votre relation avec le Réseau a contribué à votre travail ou à vos recherches ou aux politiques sociales et économiques?

Parce que nous sommes en pleine période de remise des diplômes, j’aimerais souligner l’engagement important du RRPSNB auprès de mes étudiants. Je suis chargée de cours à la faculté des études en leadership du Reconnaissance College du University of New Brunswick, et le RRPSNB a permis d’intégrer dans nos cours les conversations sur le développement social et économique. Comme classe, nous avons également eu la possibilité de participer à diverses activités organisées par le RRPSNB. Grâce à ces activités, mes étudiants ont pu prendre part aux débats sur la réforme du gouvernement local et sur le développement économique dans le cadre de forums hautement médiatisés et nouer des liens avec des dirigeants réfléchis de l’extérieur du milieu universitaire. Pour mes étudiants, ces occasions de réseautage et de pollinisation croisée des idées ont été précieuses, combinant les compétences non techniques requises pour les affaires, la rigueur du milieu universitaire et la recherche pour ceux qui poursuivent des études supérieures.

8) Auriez-vous quelque chose à ajouter, un mot de la fin?

Je me passionne pour ce que je fais et je pourrais écrire des volumes, mais permettez-moi de laisser le message suivant aux lecteurs : les mentors occupent souvent une position hiérarchique supérieure par rapport à leurs mentorés. Nous sommes généralement plus avancés et plus expérimentés et nous avons plus de relations. C’est ce qu’on appelle un statut différentiel. Les mentorés se concentrent sur les choses que nous avons accomplies, les titres que nous détenons, les plaques sur notre mur et les milieux dans lesquels nous évoluons. Bien que ces éléments puissent expliquer pourquoi ils nous considèrent comme des autorités, ils peuvent en fait être la source d’une friction bizarre.

En tant que mentor, je parle un peu de ma famille ou de mes passe-temps pour qu’on me voie comme une personne globale. Il faut envisager de se dénigrer soi-même un peu. Autrement dit, il faut rire de soi. Nous devons être braves et raconter les échecs que nous avons vécus ou nos meilleurs moments d’apprentissage. Nous connaissons tous les adages « L’erreur est humaine » et « Vivre, c’est apprendre ».

Pour moi, les bons mentors savent que reconnaître ses erreurs, c’est aussi reconnaître son apprentissage, ses progrès et l’histoire. Ils savent aussi que les erreurs ne sont pas une source de honte. Les mentorés ont des objectifs et des ambitions et si ceux-ci comportent suffisamment de défis, alors les revers sont inévitables.

Parfois, je parle un peu de mon parcours. Bon nombre de mes mentorés trouvent amusant d’apprendre que j’ai grandi dans une ferme et que je savais quelle fourche utiliser avant de savoir quelle fourchette utiliser. Je les vois se redresser et écouter lorsque je leur parle des échecs que j’ai connus à l’université. Quand je commence à leur parler de mes autres échecs et des défis que j’ai dû relever en raison de troubles d’apprentissage, ils ont les coudes sur la table, ils me fixent du regard et sont bouche bée.

Pendant que cela se produit — cet établissement de liens — ils vous voient comme une personne globale et complète, non pas seulement comme une personne expérimentée détentrice d’un titre. Cette approche les fait vous découvrir. Elle leur permet de vous connaître. Plus important encore, elle les amène à vous écouter.


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