Réseau de recherche sur les politiques sociales du Nouveau-Brunswick

Mario Levesque


Mario Levesque - 21) Quel poste occupez-vous présentement et quel est votre titre officiel?

Professeur adjoint
Département de science politique et des relations internationales
Mount Allison University

2) Quelle formation avez-vous reçue?

J’aime apprendre et j’ai toujours beaucoup de questions, ce qui fait de moi un adepte de l’apprentissage à vie. Après avoir fréquenté la Niagara Parks Commission School of Horticulture, j’ai obtenu un diplôme en gestion des entreprises agricoles du Centralia College of Agricultural Technology (1992). Cette expérience a piqué mon intérêt pour les politiques publiques et pendant les 10 années suivantes, tout en occupant un emploi à temps plein dans une entreprise privée, j’ai effectué des études de baccalauréat en politique canadienne à la University of Western Ontario (B.A. spécialisé, 2003). Toujours curieux de comprendre comment le gouvernement fonctionne (ou ne fonctionne pas!), j’ai réalisé des études de deuxième cycle à temps plein, recevant ma maîtrise en politique canadienne en 2004 de la University of Western Ontario. J’ai ensuite obtenu mon doctorat en science politique de la McMaster University (2008), où j’ai reçu une formation de spécialiste en analyse comparative des politiques publiques et de l’administration publique canadiennes, avec une attention particulière sur les politiques environnementales et sociales.

3) Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel. D’où vient votre passion pour les recherches ou le travail que vous faites et comment s’est-elle développée?

Comme la plupart des routes du Nouveau-Brunswick, mon parcours professionnel a été sinueux, plein de possibilités et de défis. Je m’intéresse surtout aux processus décisionnels et, en particulier, au fait que des processus décisionnels apparemment semblables peuvent donner des résultats très différents. Cela m’a amené à me concentrer sur les relations entre l’industrie, le gouvernement, les groupes d’intérêt et les citoyens, un domaine d’intérêt qui découle de mon expérience de travail précédente en environnement dans le secteur privé en Ontario. En tant que membre d’une association industrielle, je siégeais à un comité mixte du gouvernement et de l’industrie qui examinait des questions de santé et de sécurité au travail. Le comité était chargé d’élaborer des programmes de formation à l’intention des petites et moyennes entreprises du secteur de l’environnement de partout dans la province. Les programmes ont connu beaucoup de succès une fois mis en place et ont entraîné par la suite une diminution importante des primes d’indemnisation versées par les entreprises. Pendant les travaux de ce comité, j’ai été invité à siéger à un comité chargé de recommander un cadre de réglementation pour l’usage des pesticides dans la province. Les préoccupations de l’industrie ont été minimisées lors de l’élaboration du cadre de réglementation, et le gouvernement a introduit un système de réglementation coûteux et inefficace qui a connu peu de succès auprès des entreprises. Après quelques années de tentative infructueuse pour le mettre en œuvre, le gouvernement a reconvoqué le comité pour qu’il trouve un moyen de faire fonctionner le cadre de réglementation. Au terme de nombreux changements et de plusieurs années de travail, un système de réglementation des pesticides a été mis en place pour assurer la protection de la santé publique, environnementale et économique, soit les « trois résultats essentiels ». Fait intéressant mais aussi frustrant sur la question des pesticides, c’est l’industrie qui a d’abord demandé au gouvernement d’élaborer un cadre réglementaire à la lumière des déficiences qu’elle avait elle-même relevées! Ces expériences m’ont laissé perplexe : pourquoi est-il possible à certains moments de collaborer avec le gouvernement et d’obtenir d’excellents résultats, alors qu’à d’autres moments on ressort profondément frustré d’une telle collaboration? C’est cette perplexité au sujet du processus décisionnel et des interactions entre parties intéressées qui m’a incité à poursuivre des études doctorales en politiques et administration publiques.

4) Parlez-nous d’un ou deux de vos projets actuels.

Un projet sur lequel je travaille présentement examine comment et par qui les preuves scientifiques sont utilisées dans l’évaluation de l’énergie tirée des usines de traitement des déchets (p. ex., l’utilisation de vieux pneus par les usines de pâtes et papiers et les usines de fabrication de ciment), en vue de fournir des indices sur la façon de mieux intégrer les données probantes dans la prise de décision. À ce jour, les résultats permettent de croire que les auteurs de propositions (c.-à-d. les entreprises) fournissent une quantité insuffisante d’évaluations scientifiques rigoureuses pour étayer leurs projets et s’appuient trop sur les politiques pour les faire approuver. Cette pratique contraste avec celle des personnes qui s’opposent à de tels projets et qui : 1) ont tendance à se tourner vers les médias populaires pour obtenir des preuves, ce qui reflète peut-être le syndrome « pas dans ma cour » ou les courtes échéances applicables aux consultations, preuves qui sont rejetées lors de la prise de décision; ou 2) fournissent des preuves importantes et détaillées (p. ex., évaluées par les pairs) pour justifier leur opposition, preuves que les décideurs trouvent difficiles à traiter et qui entraînent souvent des délais accrus et de nouvelles études. Que l’on soit pour ou contre une proposition, les universitaires ont là une occasion en or d’accroître leur participation (qui semble minime) au processus d’élaboration des politiques.

Je travaille aussi à deux autres projets, qui portent sur la politique à l’égard des personnes handicapées et la politique des pêches.

5) Comment vos recherches ou votre travail peuvent-ils contribuer, selon vous, à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes?

Mes recherches apportent des suggestions ou des indices sur la façon d’améliorer les politiques publiques actuelles et, plus précisément, sur la façon de modifier les politiques publiques (en jetant un éclairage sur les subtilités du processus décisionnel). À vrai dire, cependant, je trouve que l’expression « politiques publiques fondées sur des données probantes » (je souligne) laisse perplexe. Elle donne à entendre qu’auparavant on n’utilisait pas de preuves dans l’élaboration des politiques publiques. Si cette affirmation possède peut-être un fond de vérité dans certains cas où un bureaucrate ou un politicien s’attache à promouvoir son projet fétiche, j’ai constaté par expérience que, dans la très grande majorité des cas, les données probantes servent abondamment à éclairer les décideurs. Nous faisons appel à des chercheurs afin qu’ils élaborent des théories et les mettent à l’essai, et qu’ils travaillent en collaboration avec des partenaires pour mettre en œuvre des projets pilotes, examiner les mesures qui ont été prises dans d’autres territoires, tant bonnes que mauvaises, ainsi que les comparer aux expériences que nous avons nous-mêmes menées au fil des ans pour dresser des plans d’action destinés à résoudre des problèmes urgents d’ordre public. C’est dans le cadre de la prise de décision que des preuves sont écartées, minimisées ou déformées. Les gens oublient que, au bout du compte, la décision prise est une décision politique qui englobe un ensemble de considérations différentes, ce qui se traduit souvent par des résultats apparemment incompréhensibles et une demande renouvelée que la prise décision tienne compte des données probantes. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a deux entités « en jeu » : 1) les faits ou les preuves entourant un changement de politique proposé; et 2) des considérations politiques souvent nébuleuses. Le résultat final est l’interaction entre les deux, où la plupart des gens oublient ou négligent la dernière entité pour se concentrer sur la première, généralement à leurs risques et périls.

6) Décrivez-nous certaines de vos réalisations passées qui ont été importantes dans votre cheminement professionnel. Ont-elles contribué à promouvoir des politiques publiques fondées sur des données probantes?

C’est difficile de choisir LA réalisation significative qui a propulsé ma carrière. De façon générale, je dirais que le fait d’avoir travaillé avec d’autres personnes telles que des groupes communautaires pour les aider à atteindre leurs objectifs en matière de politiques publiques est ce qui me fait continuer d’avancer et ce qui nourrit ma curiosité. Ce qui est satisfaisant, c’est quand on sait que notre point de vue a contribué de façon significative à un changement de politique, soit parce qu’il a conduit à un nouvel examen des preuves, soit parce que le processus de résolution d’un problème a été modifié par suite de notre intervention. Les exemples susmentionnés, qui se rapportent à la santé et à la sécurité au travail, à l’utilisation des pesticides (à la longue) et, plus récemment, à l’énergie tirée des usines de traitement des déchets, et où des modifications ont été apportées à des propositions à la lumière de considérations mises de l’avant par un groupe avec lequel je travaillais, sont tous des exemples de politiques publiques fondées sur des données probantes.

7) Décrivez en quelques phrases comment vous avez participé aux activités du RRPSNB et comment votre relation avec le Réseau a contribué à votre travail ou à vos recherches et/ou aux politiques sociales/économiques.

Je suis entré en contact avec le Réseau l’été dernier, lorsque je suis arrivé à la Mount Allison University. Jusqu’à maintenant, ma participation au Réseau a largement consisté à nouer des liens avec des collègues chercheurs et chercheuses afin d’échanger des idées. J’espère que mes relations avec eux se concrétiseront dans un proche avenir par des projets de recherche.

8) Auriez-vous quelque chose à ajouter, un mot de la fin?

Je suis natif du Nouveau-Brunswick, originaire de Grand-Sault, et je suis bien content d’être de retour dans ma province natale après avoir passé de nombreuses années en Ontario. Marilyn, mon épouse, et moi ainsi qu’Oliver, notre chien (un mélange de berger allemand et de Border-Collie), apprécions les nombreux sentiers de randonnée et les beautés naturelles qu’offre la province.


Copyright 2013
A Ginger Design