Réseau de recherche sur les politiques sociales du Nouveau-Brunswick

Stephanie Ruckstuhl


1) Quel poste occupez-vous présentement et quel est votre titre officiel?

J’occupe actuellement un poste d’instructrice au NBCC. Je possède un baccalauréat ès arts et je porte le titre d’infirmière immatriculée (I.I.).

2) Quelle formation avez-vous reçue?

Je suis titulaire d’un diplôme en psychologie (St Francis Xavier University – 1989) et d’un diplôme en sciences infirmières (St Lawrence College – 1993). J’ai aussi un certificat d’études supérieures en santé mentale des nourrissons ( York University – 2012).

3) Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel? D’où vient votre passion pour la recherche ou le travail que vous faites et comment s’est-elle développée?

Je suis I.I. de métier et j’avais toujours travaillé dans le domaine de l’élaboration de programmes communautaires avant de m’installer au Nouveau-Brunswick en 2006. J’ai accepté un poste d’enseignement au NBCC. J’ai toujours pensé que dans les collectivités où il existe une idée et un besoin, il y a une cause à soutenir. J’ai constaté très tôt le besoin en matière de santé mentale des enfants, de même que les besoins des jeunes enfants souffrant de troubles d’attachement, quand j’étais parent d’accueil pour le ministère du Développement social. C’est ce qui m’a poussée à obtenir un certificat d’études supérieures en santé mentale des nourrissons. Après avoir déménagé à Saint Andrews et commencé à enseigner dans le domaine de la santé mentale, je me suis aperçue que les jeunes adultes sont aux prises avec des troubles d’estime de soi et d’anxiété. C’est la raison pour laquelle j’ai entrepris la recherche que je fais actuellement sur les adolescentes. Mes étudiantes manifestaient un manque d’amour-propre et le besoin d’être acceptées, et leur résilience était faible. Comme infirmière, je me demandais comment elles pourraient s’occuper des autres alors qu’elles connaissaient elles-mêmes autant de difficultés. Je cherchais à voir comment il serait possible de les renforcer. J’ai examiné la recherche et j’ai compris que le problème lié au manque d’image positive de soi commence bien avant les études postsecondaires. Je me suis alors demandé s’il y avait des façons de renforcer ces jeunes avant qu’elles atteignent l’âge adulte. Les chiffres de la recherche étaient renversants, et mes étudiantes, groupe après groupe, manifestaient des difficultés. C’est ce qui m’a amenée à présenter une demande de subvention au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) dans le but d’examiner et de revoir l’information.

J’ai toujours cherché à avoir une compréhension fondamentale de la façon dont les choses fonctionnent dans le système de soins de santé. Pourquoi les hommes atteints du cancer de la prostate présentent-ils également une haute probabilité de maladie cardiaque? Quel est le véritable lien entre le début précoce des règles et le cancer du sein? Pourquoi dans une classe de 16 étudiantes du programme de formation d’infirmière auxiliaire, il y en a 12 qui prennent des médicaments pour la dépression ou l’anxiété? À quel moment le problème a-t-il commencé? J’ai découvert à ce moment qu’en 10e année, seulement 18 % des jeunes filles ont une identité positive… Comment peut-on améliorer cette situation?

4) Parlez-nous d’un ou deux de vos projets actuels?

La recherche montre que les filles adolescentes risquent fortement d’avoir une mauvaise image et une mauvaise estime de soi, ce qui entraîne des déficits sur le plan du développement. Ces mauvaises images de soi persistent à l’âge adulte. Il est généralement reconnu qu’une image positive de soi et les compétences prosociales qui l’accompagnent comportent de nombreux avantages. La recherche effectuée par la Fondation filles d’action montre que le comportement prosocial chez les jeunes filles baisse de 35 % pendant la période de cinq ans qui s’écoule entre la fin de l’école intermédiaire et la fin de l’école secondaire (Fondation filles d’action, 2012).

Les chercheurs du NBCC et de l’Université St. Francis Xavier, de concert avec des intervenants actifs, notamment le district scolaire Anglophone South, l’équipe de santé mentale du Réseau de santé Horizon, l’Antigonish Women’s Resource Centre & Sexual Assault Services Association et l’Académie canadienne de médecine du sport, travaillent pour renverser cette tendance grâce à la recherche-développement parrainée par le CRSH sur l’imitation de rôles prosociaux et le programme d’intervention axé sur le mentorat par les pairs. Selon la littérature, la mise en œuvre de « programmes axés sur les filles » (tels qu’ils ont été définis par la Fondation filles d’action) donne de bons résultats. Les programmes conçus spécialement pour les filles peuvent jouer un rôle protecteur clé dans le développement social sain. L’utilisation de ce modèle permet de s’assurer que les activités correspondent aux piliers de l’apprentissage socioémotionnel. Le projet a utilisé des méthodes d’apprentissage axées sur les ateliers, l’éducation populaire, l’imitation de rôles et le mentorat par les pairs. L’équipe a fait appel à des filles qui commençaient la 7e année dans le comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick, et elle les suivra jusqu’en 10e année.

L’intervention a pour but de créer un endroit sûr où les jeunes filles peuvent apprendre, échanger avec les autres et renforcer leurs compétences prosociales, y compris l’estime de soi. Le programme prévoyait créer un environnement propice aux éléments suivants, qui sont des piliers de l’apprentissage socioémotionnel : participation (faire participer les jeunes femmes à la conception des programmes et à l’animation), autonomisation (aider les jeunes femmes à s’exprimer et à agir), approche fondée sur les atouts (acquisition de compétences et accent sur les forces), pertinence culturelle (respect et intégration de la diversité), engagement communautaire (faire participer les membres de la collective par le mentorat et d’autres moyens).

Environ 48 étudiantes du NBCC sur une période de deux ans ont aidé à faciliter le programme de mentorat par les pairs. Les chercheurs sont en train d’évaluer l’efficacité du programme en utilisant à la fois des méthodes quantitatives et qualitatives. Les outils d’évaluation comprennent le sondage sur les atouts de développement (Search Institute), des observations de groupe, des entrevues de groupe et des projets d’exposition photo et voix. Parallèlement, la méthode de la recherche-action participative guidera la collecte de données avec les participantes et auprès des participantes. Celles-ci feront part de leur apprentissage en choisissant parmi un grand choix de modalités d’intervention, y compris les contes numériques, les médias sociaux, les enregistrements sonores et visuels et d’autres interventions axées sur les arts, par exemple le journal créatif, l’artisanat et la peinture. Cette recherche met fortement l’accent sur l’autonomisation des filles vivant dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick, en les aidant, par exemple, à faire l’analyse critique des messages qu’elles reçoivent quotidiennement sur les réseaux sociaux, de même qu’à faire face aux inégalités de pouvoir auxquelles elles sont confrontées au sein de la division traditionnelle entre les femmes et les hommes. Cette question touche une grande partie du Canada atlantique.

Grâce au renforcement de l’estime de soi et des compétences prosociales, nous espérons que cette intervention améliorera la vie des filles dans les écoles en favorisant leur réussite scolaire et en posant les bases du succès après les études de la maternelle à la 12e année. Dans le cadre de l’atelier d’été, nous prévoyons présenter les données issues de l’information recueillie pendant la première moitié du projet de trois ans parrainé par le CRSH, ainsi que notre plan de travail en évolution constante, notamment le curriculum du programme d’intervention.

5) Comment vos recherches ou votre travail peuvent-ils contribuer, selon vous, à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes?

Nous aurons peut-être des données qui aideront à comprendre la persévérance scolaire et les comportements à risque dans une collectivité qui se situe au-dessous des moyennes provinciales pour plusieurs déterminants de la santé, comme nous l’avons expliqué lors de notre conférence en avril.

6) Décrivez-nous certaines de vos réalisations passées qui ont été importantes dans votre cheminement professionnel. Ont-elles contribué à promouvoir des politiques publiques fondées sur des données probantes?

Le projet pour la santé du sein chez les adolescentes a été lancé après que des femmes atteintes du cancer du sein dans notre région et partout au Canada ont exprimé leurs idées et préoccupations. En outre, plusieurs rapports indiquaient fortement qu’il était urgent de trouver un moyen de combler le fossé des générations et de parler franchement et honnêtement aux filles adolescentes à propos du cancer du sein. Le projet pour la santé du sein chez les adolescentes est un programme de sensibilisation par les pairs fondé sur une recherche solide et sur la prémisse que les adolescentes écoutent leurs pairs et les respectent. C’est à cause de ce projet et de quelques autres projets menés sur le terrain que je continue à élargir mes connaissances, toujours à la recherche des causes et des effets et de la façon d’améliorer les choses pour les gens qui pourraient ne pas avoir de voix ou de moyen d’apporter des changements dans leur collectivité.

7) Décrivez en quelques phrases comment vous avez participé aux activités du RRPSNB et comment votre relation avec le Réseau a contribué à votre travail ou à vos recherches et/ou aux politiques sociales/économiques?

La relation entre mon équipe et le RRPSNB a été une merveilleuse évolution. Comme chercheuse novice au Nouveau-Brunswick, on m’a aidée à mobiliser les connaissances et à établir un réseau de collègues pour m’aider à progresser avec diligence dans la communauté de chercheurs du Nouveau-Brunswick.

8) Auriez-vous quelque chose à ajouter, un mot de la fin?

Je suis la mère de trois enfants d’âge adulte et d’une fille âgée de six ans. Je ferais n’importe quoi pour des causes comme plonger dans les eaux glacées du fleuve Saint-Laurent en février ou s’installer à 1 000 milles de son lieu d’origine (de Cornwall, en Ontario, à Saint Andrews, au Nouveau-Brunswick). Dans mon monde, je cherche toujours à comprendre comment A+B=C!

 


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